La pipe de la marque italienne Radice exhibe fièrement le résultat d'un pontage très réussi. La technique est très semblable à celle que la chirurgie cardiaque met en œuvre quotidiennement. On ouvre le thorax, on dégage l'organe et on pratique une dérivation sur une artère cardiaque.
La différence réside simplement dans le matériau de dérivation et surtout dans l'importance de la forme du nouveau conduit de fumée.
Le looping de ce tube en acrylique est caractéristique des pipes postillon. Radice en réalise ici une version contemporaine particulièrement astucieuse. On abandonne l'idée un peu facile de courber le tuyau. On exclue celle d'une allonge en bois qui demande des prouesses techniques disproportionnées. On décide alors de choisir une pipe d'une gamme existante et on incise.
Le résultat est convaincant eu égard au petit encombrement de la pipe par rapport au gain en parcours de la fumée. La pipe garde sa longueur initiale et le trajet de la fumée est augmenté d'une demi-douzaine de centimètres. Du point de vue arithmétique, cette solution est de loin supérieure aux deux autres types de pipes postillon. Sans compter que cela permet de remettre dans le circuit une pipe dont la tige s'avèrerait défectueuse sous l'outil de l'artisan.
Mais peut-on gagner de manière aussi éhontée sans en payer le prix ?
Cela fait froid dans le dos, n'est ce pas ? Que tous ceux qui ont la fâcheuse habitude de taper leur pipe pour la vider détournent leur regard, tournent la page ou aillent se faire un petit café.
Cette fragile composition possède les qualités de ses défauts. Sa vulnérabilité émeut, la confiance que met le pipier dans la solidité du bois de bruyère force l'admiration. Celui qui possèderait une telle pipe ne pourrait être qu'une personne à la fois douce et capable de prendre des risques.
Comment devant tant d'avantages et face à une telle témérité pourrait-il encore se trouver un lecteur à poser la question qui fâche : "Et qu'en est-il du nettoyage ?"